Bernard Maupoil


Biographie de Bernard Maupoil


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BERNARD MAUPOIL


Issu d’une famille de magistrats (petit-fils de Garde des Sceaux, fils de préfet, neveu de ministre), Bernard MAUPOIL est né à Paris le 17 novembre 1906. Ses origines sociales auraient dû tout naturellement le prédisposer à perpétuer les valeurs de la grande bourgeoisie. Mais considérant les options qu’il adoptera tout au long de sa vie, on peut sans hésitation estimer que Bernard MAUPOIL a, incontestablement, « trahi » sa classe …
  • Etudiant en droit et lettres. Élève de l’École Coloniale.
  • Administrateur des colonies (Dahomey, Sénégal, Guinée française, etc.).
  • Parallèlement, études d’ethnologie : élève du professeur Mauss. Choqué par la violence de la colonisation, l’injustice, B. Maupoil se passionne pour la connaissance et la compréhension des peuples qu’il côtoie.
  • Dénonce de nombreux scandales. Mais, fonctionnaire, il ne peut signer dans certaines publications accusant le colonialisme, telle « le chancre du Niger » (Pierre Hébrard).
  • Ennemi du franquisme, il apporte une aide active aux républicains espagnols.
  • À l’occasion de la tentative échouée de Charles de Gaulle à Dakar, il est compromis aux yeux des autorités de Vichy. L’Administration a désormais inscrit Bernard Maupoil sur sa liste noire.
  • Il demande à être mis en disponibilité sans solde, et rentre en France.
  • Outre la thèse qu’il prépare, thèse de doctorat d’Etat sur la géomancie au Dahomey, il se consacre entièrement à la lutte contre l’occupation, entre dans les forces françaises libres, organise et anime le réseau Cahors-Asturies.
  • Dénoncé et livré à la Gestapo par des français (Fresnes, Compiègne).
Bernard MAUPOIL est né à Paris le 17 novembre 1906 d’une famille de magistrats. Son père, Marcel MAUPOIL, est préfet. Son grand-père maternel, Ernest VALLÉ est garde des Sceaux. Ses oncles sont ministre, sénateur. Les origines sociales de Bernard MAUPOIL le destinent donc tout naturellement à devenir lui-même commis de l’Etat, reprenant le flambeau familial et perpétuant logiquement les valeurs de la grande bourgeoisie dont il est issu. Mais il quittera très vite cette voie toute tracée, « trahissant » ainsi sa classe. Et cet écart irréversible - et impardonnable pour ses ennemis - lui coûtera la vie … Etudiant en droit et lettres, Bernard MAUPOIL devient élève de l’Ecole Coloniale, conformément aux vœux parentaux. Cette formation le conduit à devenir administrateur des colonies – Dahomey, Sénégal, Guinée française … Passionné par l’ethnologie, qu’il étudie avec le professeur Mauss, il prend très vite conscience, dès le début de sa fonction d’administrateur, des méfaits du colonialisme, de l’injustice et de la violence qu’il exerce sur des peuples que Bernard MAUPOIL veut comprendre et respecter. L’homme de cœur ne peut supporter les exactions dont il est le témoin, l’imbécillité d’une administration qui les permet. Bernard MAUPOIL dénonce ainsi plusieurs scandales, dont celui de l’Office du Niger, notamment par un article, « Le chancre du Niger », paru dans une publication accusant le colonialisme, et signé de Pierre Hérbart – la fonction de Bernard MAUPOIL ne lui permettant pas d’apposer son nom à un tel réquisitoire … Ses nombreuses prises de position font que Bernard MAUPOIL est très mal noté par l’administration. Il est définitivement compromis – l’on peut même ajouter : condamné – par le soutien qu’il apporte à la tentative échouée de libération menée par Charles de GAULLE à Dakar. L’administration de Vichy inscrit le nom de Bernard MAUPOIL sur sa liste noire. Bernard MAUPOIL demande sa disponibilité sans solde et rentre en France. Ennemi du fascisme – il apporta une aide active aux républicains espagnols contre le franquisme – il se jette désormais dans la lutte contre l’occupation allemande. Sa passion de l’ethnologie le conduit parallèlement à préparer une thèse d’Etat sur la géomancie au Dahomey. La résistance l’accapare totalement. Il entre dans les forces françaises libres, organise et anime le réseau Cahors-Asturies. Mais Vichy et son administration n’ont pas oublié Bernard MAUPOIL, le poursuivant jusqu’à sa mort : des fascistes français le dénoncent et le livrent à la Gestapo. Détenu à Fresnes puis Compiègne, il est déporté en juillet 1944 (cf. « Le train de la mort », livre de Christian Bernadac). Bernard MAUPOIL est mort en décembre 1944 à Hersbruck – commando du camp nazi de Dachau. A été décoré à titre posthume de la Légion d’Honneur, de la médaille militaire au titre de la Résistance, et de la médaille de la Résistance. Sa thèse de doctorat d’Etat sur la géomancie au Dahomey, que Bernard MAUPOIL termina au moment de son arrestation, a été soutenue par le professeur Marcel GRIAUL. L’Institut d’Ethnologie l’a éditée, puis rééditée.  

En novembre 1938, Gilbert Vieillard, premier collaborateur et ami de Théodore Monod, directeur de l’Institut français d’Afrique noire récemment fondé, écrit à sa mère et cite parmi les collaborateurs proches ou lointains de l’IFAN « Bernard Maupoil, terriblement intelligent et ignorant tout des réalités, plongé dans une politique généreuse et insensée ». Gilbert Vieillard sera mobilisé en aout 1939 et sera tué.                                                    
   

Objets de Bernard Maupoil exposés au Musée du Quai Branly

D'où proviennent les objets exposés au Musée du Quai Branly ?

Certains de ces objets sont entrés dans les collections nationales au lendemain de la guerre coloniale. Notamment grâce aux dons de Bernard Maupoil, administrateur colonial, ancien élève de Marcel Mauss en même temps qu'il était lié à Marcel Griaule et Michel Leiris. Au Dahomey, il avait entrepris sa thèse La géomancie à l'ancienne Côte des Esclaves et, un grand devin, Gèdègbé, l'avait initié à ses pratiques. À ce même Gèdègbé, Maupoil doit d'avoir reçu plusieurs œuvres, lesquelles relevaient soit de la divination, soit de l'art de cour. À son retour, il les a léguées au Musée de l'Homme. De fait, la plupart des objets datent de la première moitié du XXe siècle.
Entretien avec Gaëlle Beaujean-Baltzer - TV5Monde


Bernard Maupoil ou le pragmatisme scientifique

Journal LE MATIN, PORT-AU-PRINCE, HAITI le 16 octobre 1936

Lorimer DENIS

François DUVALIER

Membres de l’Institut international d’Anthropologie de Paris

 

            Nous devons à l’extrême obligeance de notre éminent compatriote M. Constantin Mayard, ancien Ministre plénipotentiaire d’Haïti, d’être aujourd’hui en relation avec le savant ethnographe M. Bernard Maupoil. Nous tenons à  le faire connaître au public intellectuel du pays parce que à côté de la profondeur et de l’étendue de son savoir, il présente pour notre communauté un intérêt plus attachant encore, eu égard à la curiosité qu’il témoigne aux manifestations d’un fait social haïtien, d’un complexus si troublant et qui tient en émoi l’inquiétude humaine : le vaudou. Son enthousiasme haïtien (le mot est de lui) l’a incité, pour une pénétration plus intime de notre moi collectif, à se pencher avec ferveur sur les documents relatifs aux démarches de notre civilisation. « Dites bien, écrit M. Maupoil dans une lettre du 13 septembre dernier adressée au Ministre d’Haïti à Paris) à ceux que vous connaîtrez parmi l’élite intellectuelle d’Haïti, que je suis pas l’homme des grands discours pseudo-savants. J’aime bien voir clair, net, sans brouillard, sans lourde doctrine. J’ai pu me convaincre au cours de mes longues recherches sur Haïti, à la Nationale, que vos compatriotes connaissent aussi la beauté de l’élagage. »

 

Bernard Maupoil est né à Paris en 1906. Ses études secondaires classiques terminées, il dirigea vers les Facultés et parvint à obtenir ses licences en Droit et ès Lettres. Depuis lors, le jeune universitaire se spécialisa dans les sciences géographique et africologique. Ses constants efforts ont été couronnés de succès par son  admission comme membre des Sociétés savantes : la Société de Géographie et celle des Africanistes.

 

Son activité toujours en éveil l’imposa à l’attention de ses collègues du Musée ethnographique du Trocadéro de Paris qui se l’attachèrent pendant tout le cours de l’année 1933.l

 

Voici maintenant M. Bernard Maupoil, diplômé de l’Ecole Coloniale. Cette nouvelle investiture va ouvrir de nouveaux horizons à sa carrière scientifique. Et nous le suivrons de décembre 1933 à février 1936 dans ses pérégrinations en Afrique, il séjournera dans le Bas Dahomey ou en dehors de ses fonctions d’administrateur, il se consacrera à  l’étude des coutumes des coutumes des populations de cette région. ……est sortie une abondante ……son en matière d’ethnographie.

 

Chose infiniment curieuse et qui à l’entendement du bourgeois moyen de notre beau pays semblerait revêtir tout le merveilleux d’un conte des Mille et Une Nuits, c’est sur le continent africain même, à Porto-Novo, ville du Dahomey, située sur le golfe de Guinée, que M. Maupoil prit connaissance de l’ouvrage de notre éminent compatriote : M. le Dr Mauss, du Collège de France.

 

Il n’y a pas que cela.

 

Après avoir visité l’Afrique, berceau de la civilisation nègre, il se transportera dans les Etats du Centre et Sud-Amérique pour investiguer partout où cette civilisation a laissé ses empreintes. C’est ainsi qu’il se documentera sur les souvenirs dahoméens et nago laissés en certains états du Brésil.

 

L’on nous permettra d’ouvrir ici une parenthèse, aux fins de définir, en tant que savant, la physionomie morale de M. Maupoil.

 

D’abord, de par ses acquisitions universitaires, de par la discipline reçue d’éminents professeurs de la valeur d’un Marcel Mauss, connu dans tous les milieux scientifiques, de par ses efforts personnels, M. Maupoil témoignait de la meilleure préparation pour s’adonner avec succès aux travaux d’ethnologie culturelle.

 

            Et quels sont les traits, les démarches qui singularisent son comportement d’homme de science ? C’est que, à l’encontre, de nombre de savants de Cabinet dont le type ine? avec tout ce qu’il présente de supérieur et de désavantageux dans l’éminente personnalité d’un Lévy-Brhul, M. Maupoil, lui, voyage et séjourne, à la manière de Delafosse, de Georges Harty, de Tauxier, pour étudier sur place et nous dirions à même les civilisations de l’Afrique.

 

            Une autre caractéristique de la méthode de ce chercheur est d’élaguer toute systématisation théorique pur ne s’attacher qu’à la flagrance des faits. En fonction de ce barême, il « se met à la disposition de tout ethnographe haïtien qui désirera obtenir, non pas une conception philosophique du monde, mais certaines précisions dans les domaines qu’il a pu explorer, préférant en tout état de cause, décevoir son correspondant plutôt que de l’induire en erreur par de trop de faciles et pompeuses théories ». (1)

 

            De là son pragmatisme scientifique. De là aussi, sa filiation à l’Ecole Historique Cycl –culturelle et tout spécialement au pragmatisme de l’Ecole Américaine. Nous mentionnerons, en manière d’exemple, les tentatives de Miss Parson qui, dans ses études sur les Croyances haïtiennes, n’a colligé rien que des observations sans les alourdir. Même démarche chez les membres de la Société pour l’Avancement de la Science, matérialisée dans The October Scientific Monthley, Edited by Mcken ? Catell. Même démarche encore dans les Universités Américaines, Méthode appliquée aussi par notre éminent compatriote le Dr J.C. Dorsmividans son plus récent travail Vaudou et Magie, sujet de conférences prononcées dans les Universités des Etats-Unis de l’Amérique du Nord.

 

            Revenons à M. Maupoil pour montrer que c’est pleinement imbu de cette méthodologie qu’il manifeste le vif désir de venir chez nous pour serrer de près le problème vaudou. Nous voyons déjà l’immense profit pour sociologues et ethnographes  haïtiens. Et n’est-il pas navrant (dirions-nous en passant) de constater que des membres de notre élite  intellectuelle et non des moindres qui, sous la mauvaise impression laissée par quelques publicistes étrangers épris des légendes et du pittoresque, considère le vaudou comme une tare nationale et éprouvent jusqu’à l’heure qu’il est, une certaine répugnance à en entendre parler. Cette attitude, ridicule pour  le moins, nous la qualifions de romantisme racial. Aussi bien, nous regrettons (comme c’était convenu avec le Ministre Plénipotentière d’Haïti  à Paris et nous) que l’état de santé de M. Maupoil lui ait fait différer son voyage d’Haïti. Actuellement il est en instance de départ de Saint-Louis de Mauritanie où il compte mettre la dernière main à une thèse de Doctorat ès Lettres sur la divination dans le Bas Dahomey, ouvrage qui renferme de nombreux renvois des auteurs antillais, haïtiens et brésiliens.

 

Journal LE MATIN, PORT-AU-PRINCE, HAITI le 16 octobre 1936

Lorimer DENIS

François DUVALIER

Membres de l’Institut international d’Anthropologie de Paris

(1) Notes personnelles de l’auteur adressées à Lorimer Denis et François Duvalier, sept. 36


NÉCROLOGIE

La Société des Africanistes a perdu, en la personne de Bernard Maupoil, l'un de ses membres les plus actifs et les plus représentatifs du mouvement de recherches dont l'Afrique est l'objet.

Né le 17 novembre 1906 à Paris, il prit une licence en droit, suivit les cours de l'École des Hautes Études et fut breveté de l'École Coloniale en 1932. Administrateur adjoint des Colonies en 1934, nommé à la première classe en 1941, il effectue de longs séjours au Dahomey et en Guinée.

Détaché à l'Institut français d'Afrique Noire, il eut la possibilité de poursuivre les belles études qu'il avait commencées au Dahomey. Mobilisé en septembre 1939, il fut -envoyé à Dakar pour y participer aux opérations de recrutement.

Pour son attitude anti-vichyssoise lors de l'essai de débarquement, Bernard Maupoil fut déplacé à Konakry où il remplit la fonction d'archiviste. Impatient de servir, il demanda en 1941 » de rentrer en France.

Mis en disponibilité, il fut rapatrié en 1942 et entra aussitôt dans un mouvement de résistance à Lyon. Dès octobre de la même année, il devenait secrétaire général du réseau Cohors-Asturies, dirigeant de nombreux sabotages et organisant des réseaux de renseignements.

Arrêté le 20 août 1943, il fut incarcéré à Fresnes pendant 9 mois, dont 5 au secret. Transféré à Compiègne, il quitta la France le 2 juillet 1944 par le train qui fut nommé plus tard le Convoi de. la Mort. Versé au Kommando de travail de Hersbruck d'où seulement douze Français revinrent vivants, il mourut d'épuisement le 15 décembre 1944.

Bernard Maupoil laisse le souvenir d'un homme intrépide, épris de liberté. Son affection pour les populations noires lui avait attiré l'inimitié de certaines parties de

l'administration coloniale. Il était pour le libre développement des magnifiques civilisations soudanaises et contre l'expansion des religions d'importation.

Doué d'une faculté aiguë d'observation, scrupuleux et méthodique, il rassembla une documentation ethnographique considérable dont il a publié une partie dans diverses revues et surtout dans une thèse sur la Géomancie à l'ancienne Côte des Esclaves, publiée en 1943, qui fait autorité dans les études dahoméennes.-

Cette thèse devait être soutenue devant la Faculté des Lettres de l'Uni versité de Paris à la fin de cette même année. C'est à titre posthume qu'en 1946, après une soutenance fictive, sera délivré à Bernard Maupoil le titre de Docteur es Lettres, dernier hommage à celui, qui fut un érudit infatigable et un combattant sans peur.

 

Journal de la société des africanistes année 1945 volume15, numéro 15, p. 38

 


Contribution à l'étude de l'origine musulmane de la géomancie dans le Bas-Dahomey

La géomancie à l'ancienne Côte des Esclave