Hubert Joly
Au vu du beau tableau d’Abdellah Yacoubi, je n’ai pu m’empêcher de penser à une poésie de Francis Jammes dans son recueil De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir vers 1900:
« Avec ton parapluie bleu et tes brebis sales,
avec tes vêtements qui sentent le fromage,
tu t’en vas vers le ciel du coteau, appuyé
sur ton bâton de houx, de chêne ou de néflier.
Tu suis le chien au poil dur et l’âne portant
les bidons ternes sur son dos saillant.
Tu passeras devant les forgerons des villages,
puis tu regagneras la balsamique montagne
où ton troupeau paîtra comme des buissons blancs.
Là, des vapeurs cachent les pics en se traînant.
Là, volent des vautours au col pelé et s’allument
des fumées rouges dans les brumes nocturnes.
Là, tu regarderas avec tranquillité,
L’esprit de Dieu planer sur cette immensité. »
Sûrement Abdellah Yacoubi n’a pas pensé à tout cela quand il a peint ce festival de parapluies sur le ciel inaltérable du Maroc mais voici que Francis Jammes l’a pensé pour lui…
Le chêne blanc, le néflier sont bien de chez toi, Abdallah, mais aussi le chien et l’âne, les forgerons, les buissons blancs de tes troupeaux et même les vautours. Il suffit de regarder attentivement dans les coins pour les entrapercevoir…
Le miracle de l’art est qu’à plus de cent ans et 1500 kilomètres de distance un Wallon et un Marocain se rejoignent par la peinture et la poésie…
Et pourtant on ne s’attendait pas à trouver au Maroc des parapluies, et surtout dans un ciel si bleu qu’il fait penser, comme le dit le poète, à l’esprit de Dieu planant sur l’immensité.
Je n’ai donc pas eu à chercher un improbable commentaire de galeriste pour trouver les impressions que je ressentais. Un autre, plus doué, a fait le travail pour moi. Je n’ai fait que le piller et je me suis caché derrière lui pour retrouver une poésie dans ce que l’œil humain ne saurait apercevoir. Antoine de Saint-Exupéry l’avait bien senti lorsqu’il survolait la côte marocaine à la recherche du Petit prince, « On en voit bien qu’avec le cœur ».
Hubert JOLY
7 mai 2014
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