Hubert Joly


La mort de Cyrano

Villa Arnaga, musée d'Edmond Rostand

Hubert JOLY


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La mort de Cyrano

 

 

Que peut-on retenir d’ue escapade au Pays basque ?

Tous les archétypes et tous les clichés y sont concentrés dans un mouchoir de poche alors que 15% seulement de la région sont situés en France.

Grandes maisons à colombages « rouge basque » nichées sous de grands toits asymétriques, irremplaçables frontons de pelote agrémentés des costumes blancs et des bérets des joueurs, églises à retables dorés et galeries latérales superposées pour les seuls hommes, les accents mâles de chants qui valent bien ceux des Corses, on aura tout dit si l’on ajoute que tout se mange au piment d’Espelette.

Les premières impressions sont l’extrême douceur d’un climat aux ciels très changeants et, de ce fait, traversé d’abondantes averses. Il en résulte partout un excès de verdure qui ferait parfois penser à un plat d’épinards si on la compare à la Provence. Une mer à rouleaux souvent verte ou brune plutôt que bleue.

Ce qui est décevant est que la richesse du Pays basque a déstructuré l’habitat. Une seule caisse à savon d’une entreprise artisanale ou industrielle, un immeuble de grande hauteur, suffisent à gâter l’environnement de neuf maisons traditionnelles.

Il faut tout de même découvrir dans un parc de 17 hectares, Arnaga, la maison basque d’Edmond Rostand, à la mesure de la démesure de l’auteur, subitement et fabuleusement enrichi par Cyrano et pris d’une folie bâtisseuse, conforté par le succès de l’Aiglon, mais déstabilisé par le demi-échec de Chantecler.

Dès lors, Rostand s’enferme. Avec 40 domestiques pour gérer les tuyaux de sa centrale ultramoderne, il n’a qu’une chambre d’ami et finira lui-même par se réfugier dans la chambre de l’ancienne gouvernante. On ne le verra pratiquement plus que de nuit quand il erre dans son parc.

Il ne sortira de cette torpeur que pour se mobiliser en faveur des blessés de la guerre de 14 mais mourra à 50 ans à Paris de la grippe espagnole…

Par bonheur, la maison, revendue plusieurs fois, a été sauvée par une municipalité intelligente, et ses jardins à la française somptueux sont entretenus comme au premier jour.

A peine plus au sud, il faut escalader la Rhune, chicot de montagne isolé, avec un petit train acrobatique à crémaillère qui date de 1924. Arrivé au sommet, là où passe la frontière avec l’Espagne, on découvre, éberlué sur 180 degrés la barre dentée des Pyrénées qui, quoi qu’on en ait dit en 1700, existent encore bel et bien, composant un panorama grandiose.

Et tout au-dessus, parfaitement immobiles, avec leurs grandes rémiges déployées, les vautours fauves planent en cercles infinis. Pour un peu, on se prendrait pour l’austère Don Alvaro du Maître de Santiago qui, là-bas, loin, loin dans la Sierra de Utiel, regarde les premières neiges engloutir l’Espagne…

 

Hubert JOLY octobre 2013